Les prouesse insoupçonnées des champignons: quatrième volet de notre série. Ce soir, des champignons capables d’aider à produire des biocarburants. Ou comment les champignons peuvent nous aider à nous déplacer de façon plus durable.
« Ici vous voyez la production d’enzymes de champignons dans un bioréacteur. C’est la première étape de production des biocarburants de 2e génération », explique Jean-Guy Berrin, mycologue INRAE à l’Université de Marseille. Deuxième génération, car ces carburants ont un avantage: « Les biocarburants de 1ère génération sont fabriqués à l’aide de céréales, comme le blé ou le maïs, alors que les biocarburants de 2e génération sont rà à partir de résidus agricoles ou forestiers, et donc n’entre pas en compétition avec l’alimentation » humaine ou animale.
Alors, comment ça marche ?
Les enzymes, produits par les champignons, sont comme de petits ciseaux moléculaires. Mettez-les sur des déchets végétaux (de la paille ou des copeaux de bois) et cela produit des sucres. Une fois fermentés et distillés, ces sucres donnent de l’éthanol. Un alcool vert qu’on mélange alors à l’essence de voiture ou au kérosène d’avion.
Restait à tester la viabilité de l’idée : c’est ce que vient de faire un projet pilote, près de Reims : « On a pu montrer que la conversion de biomasse en éthanol était faisable à l’échelle industrielle, explique Antoine Margeot, chef du projet Futurol pour lFPEnergie, organisation publique-privée dédiée à la recherche sur l’énergie. Aujourd’hui, ce procédé est commercialisé par notre filiale, avec un projet d’usine en Croatie et un projet d’usine en France. Ces unités industrielles devront être soutenues par l’Etat car cela reste des usines et des procédés qui sont chers à mettre en œuvre. »
Katia Gindro, spécialiste des champignons à l’Agroscope de Changins, trouve la démarche séduisante, mais elle tempère : « Ca marche bien en labo, ça marche bien dans des enceintes un peu plus grandes et bien confinées, mais après, avec la réalité industrielle qui est derrière – il faut quand même le reconnaître ; on a envie de faire fonctionner 8 mio de voiture peut-être en Suisse –, je pense que ce n’est pas forcément la solution clé en main. Mais en tous cas, comme produit de niche, je trouve cela très intéressant. »
Complexité, cherté, lenteur de production : les biocarburants de 2e génération ont encore les imperfections de leur jeunesse. Mais, la science n’a peut-être pas dit son dernier mot. Jean-Guy Berrin: « Au laboratoire, nous disposons d’une collection de 3000 souches, qui ont toutes des propriétés différentes. Et donc nous étudions ces champignons pour trouver des enzymes plus robustes et plus efficaces. Et aujourd’hui, avec les technologies dont on dispose, c’est tout à fait envisageable d’améliorer les procédés des biocarburants de 2e génération. »
De quoi vraiment sortir de leur niche ces carburants à base de champignons.