Les voitures hybrides sont déjà économes en énergie. Mazda rend l’un des prototypes totalement «vert», en installant sur la Premacy (Mazda5) un moteur à hydrogène, ne rejetant que de l’eau. Que vaut-il? Essais en Norvège
Derrière son air stoïque, l’ingénieur japonais doit encore en sourire. Sur la voie d’accès de cette bretelle d’Oslo, des camions déboulant dans le rétroviseur, le réflexe est de mettre les gaz, puis le clignotant. Et donc pas les essuie-glaces… le volant étant placé à droite sur ce prototype nippon. Le plus surprenant reste toutefois le soudain bruit de mixer survolté qui provient de l’avant, et laisse croire que l’on tente d’entrer sur cette autoroute en première vitesse, avec pour réaction immédiate de lever le pied. Une fois dompté, l’engin se laisse conduire simplement, dans le calme, tout en bénéficiant de la puissance nécessaire pour se faire sa place sur le périphérique norvégien.
Cette semaine, Mazda a invité la presse à tester la première voiture hybride dotée d’un moteur rotatif à hydrogène. Cette Mazda Premacy (ou Mazda5) Hydrogen RE Hybrid a été présentée en 2007 au Tokyo Motor Show, mais vient seulement, en mai, d’être livrée en leasing à une compagnie japonaise, pour des tests en situations réelles. «Nous sommes impatients d’avoir un retour d’informations, dit Akihiro Kashiwagi, chef du projet Hydrogène chez Mazda. Nous souhaitons les exploiter pour améliorer encore les performances et contribuer au développement de l’hydrogène en tant que support énergétique de demain.» Utilisé comme carburant avec de l’oxygène, l’hydrogène ne produit que de l’eau, et un peu d’oxydes d’azote (NOx), mais aucun gaz à effet de serre. A tel point que certains constructeurs s’efforcent de développer des prototypes usant de cette source d’énergie propre, bon argument de marketing vert par ailleurs.
Test grandeur nature
Dans ce domaine, Mazda est actif depuis 18 ans déjà. Le constructeur nippon est toutefois le seul à miser sur un moteur rotatif inventé en 1929 par l’Allemand Felix Wankel, qui utilise des rotors à la place des habituels pistons. Ce moteur dit «bicarburant» peut s’accommoder aussi bien d’hydrogène que d’essence. Ainsi, les voitures qui en disposent roulent à l’hydrogène autant que possible, et peuvent ensuite – gros avantage – éluder les difficultés d’approvisionnement en ce gaz en recourant à un deuxième réservoir rempli de benzine. Ce changement se faisant à l’aide d’un simple interrupteur situé à côté du volant.
Ce moteur, baptisé «Renesis», a été installé dès 2003 sur la Mazda RX-8 Hydrogen RE, avec succès. A tel point que le consortium HyNor, qui a inauguré en mai la première «autoroute à hydrogène» (lire ci-dessous), en a commandé 30 exemplaires en leasing; les trois premiers y roulent déjà. Avec ses 80 kW de puissance et ses 145 km d’autonomie (hydrogène + essence), ce modèle a toutefois ses limites.
Dispositif tout à fait sensé
Une étape de plus a dès lors été franchie avec la Mazda5 hybride. Le principe est simple: un moteur rotatif bicarburant est utilisé non plus pour entraîner directement tout le véhicule, comme dans la RX-8, mais pour faire tourner une génératrice de courant. Celle-ci est installée en série avec la batterie au lithium-ion et le moteur électrique, qu’elle alimente en fonction de la situation de route (infographie). Cette technologie n’a donc rien à voir avec les fameuses piles à combustible, autre façon d’utiliser l’hydrogène pour produire l’électricité nécessaire à entretenir le moteur électrique d’une voiture.
«Ce dispositif est tout à fait sensé, commente Michael Bielmann, expert en technologies de l’hydrogène à l’EMPA, à Dübendorf. Car, d’une part, on tire profit des qualités du moteur électrique (bonne accélération). D’autre part, l’on peut faire tourner le moteur à hydrogène à la vitesse permettant d’optimiser son rendement, vu qu’il est découplé de l’axe de propulsion.» Mais alors, pourquoi tourne-t-il plus vite lorsque l’on presse sur le champignon, au point d’imaginer un mixer sous le capot? «C’est uniquement pour reproduire la même sensation auditive que dans toutes les voitures», explique l’ingénieur de Mazda dans un anglais haché. En fait, sa cadence pourrait rester uniforme.
Ainsi, le prototype de Mazda, avec ses cinq places et son poids de 1760 kg, affiche une autonomie de 200 km avec l’hydrogène (105 litres comprimés à 350 bars) et de 400 km avec l’essence (25 litres), pour une puissance de 110 kW. Prometteur, selon les ingénieurs de Mazda, qui reconnaissent l’un des inconvénients principaux de ce genre de système: utilisé dans un moteur à combustion, l’hydrogène a une densité énergétique moins grande que l’essence à volume comparé. Autrement dit, il en faut un volume plus gros pour fournir la même énergie. Le système de stockage de l’hydrogène sur le véhicule étant limité, il faut alors souvent refaire le plein. Or l’un des gros handicaps du développement de la mobilité à l’hydrogène reste que le réseau de production et de distribution de ce gaz est encore largement insuffisant.
Recherches très actives
A noter à ce sujet que la Mazda5 n’est pas la toute première voiture hybride fonctionnant avec de l’hydrogène. En 2004, la firme américaine Ovionics a modifié une Toyota Prius hybride pour alimenter son moteur à combustion avec de l’hydrogène stocké cette fois dans des hydrures métalliques. Un système plus efficace mais lourd, qui nécessite de plus un long temps de chargement. «Mais cela démontre que les recherches sont très actives», explique Michael Bielmann.
Autre sujet de déplaisir, les coûts: si chez Mazda l’on ne veut bien sûr mettre aucun prix sur le prototype, on reconnaît que ses composants sont chers. «En fait, dit Seita Kanai, chef de la recherche et du développement, avec ces technologies, Mazda est bien préparé pour leur future utilisation» dans 20 ans, quand elles seront financièrement plus accessibles, et valorisées par les politiques publiques ancrées sur les énergies vertes.