Un accélérateur de particules de 91km de circonférence : c’est ce que veut construire le CERN d’ici 2045, pour percer les derniers mystères de la physique. La première mouture de l’étude de faisabilité a été dévoilée aujourd’hui : on connait désormais le tracé de ce projet devisé à 12,8 milliards de francs, et dont les défis techniques et environnementaux restent colossaux.
Percer les mystères de l’Univers, et de la matière cachée qui le compose: c’est ce que pourrait permettre le prochain accélérateur de particules du CERN, le Futur Circular Collider, ou FCC.
L’actuelle machine, le Large Hadron Collider (LHC), mesure 27 km. Le FCC, c’est trois fois plus – 91km – à 200 mètres sous Terre, avec 8 sites en surface. Le tout pour une puissance décuplée.
Alors pour savoir à quoi il ressemblera, rien de mieux qu’une visite sous Terre à son actuel petit frère, dans l’une de ses expériences, avec Jean-Paul Burnet, responsable des infrastructures techniques FCC au CERN : « Dans le FCC, nous aurons aussi quatre détecteurs, comme ici », dit-il en montrant l’immense détecteur CMS, ouvert pour réparation. « Le faisceau circule dans la chambre à vide et il y a des collisions qui se passent dans le détecteur où on recrée des mini Big-bang. Et avec le détecteur, on mesure toutes ces particules issues du Big-bang. »
En surface, des infrastructures sont nécessaires, parfois imposantes lorsqu’il y a une expérience dessous. D’autres, ailleurs, sont plus petites : « Ici, on est sur un site technique du LHC, site qui permet d’alimenter en haut, électricité et ventilation la machine, dit Jean-Paul Burnet à propos de quelques bas bâtiments cachés par des haies dans la campagne française proche de Genève. C’est un site assez similaire à ce que l’on aura à Choulex pour le projet FCC. » Choulex, dans la campagne genevoise : c’est sur une parcelle de ce village que serait construit le seul site du FCC en Suisse, entre bosquets et ruisseau à batraciens.
Inquiétude des opposants au projet
Mais plus que les grenouilles, ce qui inquiète les opposants au projet, ce sont l’impact climatique du chantier et la consommation d’énergie du FCC: « Pour la transition énergétique, il s’agit de se passer des énergies fossiles, souligne Jean-Bernard Billeter, responsable de projet à l’Association Noé21. Ça veut dire qu’on aura des besoins accrus d’électricité. Débarque le CERN, qui dit : ‘Cette électricité, nous on en prend un gros paquet’. Et ce n’est pas acceptable. En fait, c’est irresponsable. »
En réalité: 1,8 à 4 TWh/an à terme. C’est la consommation annuelle estimée du CERN, avec le FCC. De l’ordre de celle du canton de Genève (2,7 TWh/an). Pour Fabiola Gianotti, directrice générale du CERN, « cette extrapolation que nous avons faite est basée sur les technologies d’aujourd’hui. Mais on est en train de développer des technologies qui sont moins demandeuses en termes d’énergie. »
Et pour le CERN, le temps presse, car un autre pays est dans la course au premier accélérateur géant:
« Si la Chine réalise ce projet avant nous, cela veut dire que le leadership mondial dans la science fondamentale des accélérateurs, et les technologies associées, qui ont déjà un impact énorme sur la société, vont partir en Chine. »
Coût estimé du projet : 12,8 milliards de francs dans sa première phase. L’étude de faisabilité complète est attendue en 2025. Et la décision finale, en 2028.