Vendredi, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a défini les souches du virus de la grippe qui serviront à préparer les vaccins pour l’hiver prochain. Les Etats-Unis ont communiqué au dernier moment les données de surveillance américaine, même si Donald Trump a interdit aux agences de santé publique américaines d’interagir avec l’étranger. Une situation qui inquiète certains experts pour le suivi de possibles futures pandémies.
Chaque année, les meilleurs experts scientifiques se réunissent pour permettre à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) d’émettre des recommandations sur la composition des vaccins contre la grippe de l’hiver prochain dans l’hémisphère nord. Cette réunion s’est tenue cette semaine à Londres, en présence de représentants de 130 pays.
Mais mi-janvier déjà, le directeur général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus tirait la sonnette d’alarme. L’OMS ne dispose que d' »informations limitées sur la propagation de la grippe aviaire chez les vaches laitières aux Etats-Unis ou sur les cas humains », avait-il déploré.
Donald Trump venait alors tout juste d’annoncer le retrait américain de l’organisation dans un an. Les représentants de l’agence américaine de surveillance des épidémies (CDC) avaient également interdiction de parler.
Finalement, les informations américaines nécessaires concernant la grippe saisonnière (influenza) ont été transmises le 14 février à l’OMS, après plusieurs jours d’incertitude. « Nous devons clarifier que les Etats-Unis livrent bel et bien des informations au Système global de surveillance et de réponse contre la grippe (GISRS) », a dû insister vendredi Maria van Kerkhove, la directrice du Département épidémies et menaces pandémiques de l’OMS, répondant à une question de la RTS.
Réseau de surveillance mondiale efficace
Certes, l’attention se porte désormais essentiellement sur le nouveau gouvernement américain, mais l’épidémiologiste tient à rappeler l’importance « d’un réseau de surveillance » efficace au niveau mondial. »Nous devons veiller à ce que tous les gouvernements continuent de prioriser les efforts contre les maladies respiratoires comme la grippe, tant cela reste une menace », a-t-elle déclaré encore vendredi.
Malgré la contribution américaine à la réunion de l’OMS, les spécialistes restent inquiets. S’ils ne collaborent pas avec l’OMS, les Etats-Unis risquent « de ne pas partager des informations cruciales », par exemple sur un potentiel « germe résistant existant » dans le pays, alerte Laurent Kaiser, chef du Service des maladies infectieuses des HUG. Or « en science et en médecine, nous avions jusque-là une liberté de communiquer totale, et cela c’est une valeur qu’il faut préserver, qu’il faut garder. »
Selon lui, toutes les communications rapides à travers les réseaux sociaux, qui permettent aux scientifiques d’agir rapidement, ont également pâti de l’interdiction de communiquer imposée par l’administration Trump. Même si le spécialiste suisse le reconnaît, des échanges informels continuent de se faire, notamment à travers le téléphone.
« C’est le chaos »
Une journaliste scientifique, Helen Branswell, va encore plus loin. « Actuellement, c’est le chaos » dans le pays, avertit-elle. Spécialiste des maladies infectieuses pour STAT News, site web d’actualités américain axé sur la santé, elle se montre très critique sur la gestion sanitaire des Etats-Unis, en particulier celle de la crise de la grippe aviaire (H5N1) qui frappe de plein fouet de très nombreux élevages américains. « On espère que rien de grave ne va se passer prochainement, […] mais il n’y a aucun signe que cela s’améliore. Et il y a une tendance à ce que toutes les décisions aillent dans le même sens », se désole-t-elle.
Dernier exemple en date: alors que c’est maintenant à chaque pays de lancer la production nationale des vaccins contre la grippe saisonnière, sur la base précisément des indications fournies ce 28 février par l’OMS, le nouveau Secrétaire d’Etat américain à la Santé, Robert F. Kennedy Jr, notoirement opposé aux vaccins, a interdit la tenue d’un comité qui devait organiser le développement du sérum antigrippe à l’attention des Etats-Unis.